Dans La vie des plantes, Emanuele Coccia décrypte notre monde à partir des plantes qui le font advenir, le rendent possible. C’est un très beau livre, que j’ai critiqué hier parce qu’il n’achève pas son geste révolutionnaire : il inaugure une métaphysique du mélange mais continue de s’exprimer par distinctions et hiérarchisations. Cependant Emanuele Coccia reste un philosophe exceptionnel, notamment par son attention au sensible, et ce qui en découle naturellement : une langue moirée, chatoyante, aussi légère que profonde. Une des idées qui m’a le plus séduite est que l’atmosphère est une continuation de la mer sur terre : un milieu fluide, fluidifié par le souffle, où nous sommes en immersion. La vie se poursuit donc sans interruption au cours de l’évolution, des eaux à leur surface, et ce grâce aux plantes.
« Le poisson est dès lors non seulement l’une des étapes dans l’évolution des êtres vivants, mais le paradigme de tout être vivant. Tout comme la mer qui ne doit plus être considérée uniquement comme un environnement spécifique à certains vivants, mais comme une métaphore du monde lui-même. L’être-au-monde de tout vivant serait donc à comprendre à partir de l’expérience du monde du poisson. Cet être-au-monde, qui est aussi le nôtre, est un être-dans-la-mer-du-monde. Il est une forme d’immersion. […] Nous ne sommes pas des habitants de la Terre ; nous habitons l’atmosphère. La terre ferme n’est que la limite extrême de ce fluide cosmique au sein duquel tout communique, tout se touche et tout s’étend. […] D’un certain point de vue, les plantes n’ont jamais abandonné la mer : elles l’ont apportée là où elle n’était pas. Elles ont transformé l’univers en une immense mer atmosphérique et elles ont transmis à tous les êtres leurs habitudes marines. »
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