
La femme, paraît-il, participe de la nature au point de ne parvenir à s’en distinguer. Inachevé de l’homme, encore trempée de la boue du monde dont elle a été tirée, elle reste immergée dans ses sens et ses sentiments. Elle a la grâce de l’enfance, l’inconscience de l’animal. S’ensuit l’équilibre féminin masculin, les deux termes s’opposant telles l’imagination à la réalité, la passion à la raison, la passivité à l’activité, la faiblesse à la force, la douceur à la dureté… D’où cela vient-il ? De ce sang du temps qui coule entre ses jambes et la tache irrémédiablement. De cet enfant réel ou imaginé qui la grève d’une vie à donner, à sacrifier – qui fait de sa vie un cri.
C’est une blessure identifiée bassesse qui lui interdit, corrompue qu’elle est par ce corps troué, l’entrée du temple, du parlement et de l’école, et, plus grave, l’entrée du Grand Dehors – le monde sauvage à explorer, qu’il soit celui des pays ou des pensées, tout ce qui nous est étranger, cimes, mers, étoiles et abstractions. Elle restera dans le familier du dedans, petit, fermé. Certains rétorquent : cette blessure est noble, cicatrice d’un don reçu des dieux, grâce qui l’accorde aux cycles des marées, des saisons et des astres, et la réconcilie avec la mort, la familiarise avec la douleur, pénètre sa chair d’une sagesse qui ne s’invente pas, intuition qu’à toute idée est préférable la vie, instinct de paix et de préservation pour que la joie bourgeonne sur les visages année après année.
Je viens d’exposer la conception la plus ancienne et coriace de la féminité – dans sa version négative puis positive. Positivée déjà dans la christianisme avec la figure de Marie, mais surtout dans le romantisme qui poursuit le christianisme, privilégiant la féminité au point que ses adeptes ont été systématiquement ridiculisés comme efféminés. Charme de ces hommes qui s’aventurent vers les marges, se penchent sur le fou, l’enfant, la femme et l’étranger pour les élever en modèles.
Je suis profondément romantique. À me lire, ici ou ailleurs, vous l’aurez vite remarqué. Mais… mais tout de même, cette conception me dérange, la même sous un autre masque, plus flatteur. Elle ne me semble pas honnête, privant par nature l’homme ou la femme d’une part du réel. Après tout, les hommes sont-ils moins terre à terre ? Eux ont une racine entre les jambes…
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