Septembre
Sous la pluie de septembre, le soleil d’août se fragmente en toutes ses composantes : les couleurs. La rentrée les réunit, elles viennent nous saluer après cette année en leur compagnie, non pas sous forme de pigments, ternes et compacts, amas de la palette, aplats du nuancier, mais dans leur plus belle livrée, aérienne et vibrante, de simple clarté, de lumière pure. Leur révérence donne l’arc-en-ciel. Sourire du ciel.
On a toujours interprété ce phénomène comme un message des dieux ; et c’en est un. Miracle du quotidien, il figure les correspondances et les coïncidences dont le réseau nous relie et resserre, les contraires dont l’alliance nous ouvre à la transcendance. Ses couleurs complices de notre cœur annoncent le cycle qui s’achève et celui qui s’amorce. Le pont qu’elles tracent assure la jonction entre les saisons. Il y flotte un parfum de neuf et de regret, on le traverse larmes et rires mêlés, il est temps de nous séparer.
Ébauché dans l’iridescence des ailes de papillon et des bulles de savon, dans la rosée des toiles d’araignées et les jets tournoyants de l’arrosage, l’arc-en-ciel représente la suspension et l’insouciance qu’on lui associe, ou encore l’enfance, quand nous avions un pied dans chaque monde, l’un réel et l’autre imaginaire. Souliers d’Iris ou ceinture de Noé, il promet la paix et la prospérité après la tempête. Son arc marque le seuil d’un château dérivant sur les nuages, l’entrée d’un palais de cristal à l’envers des cascades, la voûte d’une cathédrale qui ne serait que vitrail.
Cette harmonie comporte une certaine naïveté, elle ne saurait durer et finit dans le verre brisé. Mais c’est justement la fragilité de l’arc-en-ciel qui nous le rend si précieux. Sa flèche ne vise pas des proies, mais des rêves. Autre modalité du désir, plus élevée : il ne s’agit plus de ce que nous pourrions avoir, mais de ce que nous pourrions être. Les couleurs réunies chantent en chœur la connexion universelle, comment les sens s’échangent et se chevauchent, et les choses forment les mots qui les façonnent, et la nature appelle au surnaturel, et la matière se nourrit de l’esprit. Tout est un continuum, disent-elles, sans la moindre rupture. Le cerveau est synesthésique, la perception métaphorique, la poésie non pas un artifice du langage, mais son état le plus naturel.

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