Janvier
Blanc de la page avant que ne s’inscrive le noir des lettres. Couleur du commencement que revêt la nouvelle année. Le rien emprunte cette apparence pour se montrer. Il troue les conversations qui s’effilochent. Des anges passent parmi nous. Tu frissonnes. L’avenir est sans visage.
On loue la grâce et la délicatesse du blanc, celles de la neige, l’écume, la mousse. On le ménage comme une petite chose fragile, prête à s’éteindre. C’est mal le connaître. Sa douceur renferme une violence qui éclate dans la tempête ou l’avalanche. Le lait vient de l’amour maternel qui a la même ambivalence. Le blanc n’a pas besoin de nos soins, nous dépendons de son caprice. Semence âcre à l’origine de nos vies.
Parce que la moindre tache s’y détache, il est devenu symbole de propreté, de pureté, parfois de supériorité, se déclinant de la porcelaine à la dentelle, des baignoires aux mouchoirs. Bullant sur les trottoirs ou dans les verres, il lave et renouvelle, illustrant nos oublis. Par le passé, la chaux chassait la peste des villes et les images des églises. Elle redonne encore une clarté aux maisons calcinées par l’été, tandis que la farine amassée promet de survivre à l’hiver – flocons contre flocons. Un jour de neige est le plus jour des jours, l’inverse d’une nuit sans étoiles, la terre devenue étoile.
Sel ou sucre croustillant, crissement de la craie dont la marelle nous mène au ciel, cristal des nuages et des astres, blanc se balance sur les pétales et murit dans les fruits, jasmin enivrant ou vanille qui émoustille. Ce mois-ci, ses fleurs, il faut les offrir à la mer, et si votre bouquet surmonte sept vagues, celle qui habite les profondeurs le recueillera. Charmée, elle veillera sur vos traversées. Ajoutez un miroir pour qu’elle puisse s’admirer.
Ses nuances vont de l’opacité à la transparence, comme s’il n’arrivait pas à se décider entre être ou ne pas être, apparaître ou disparaître ; et dans son cas c’est le même état : sa présence s’affirme par l’absence, il éblouit en s’éclipsant.
Le vrai blanc, qui ne vire ni au rose ni au jaune ni au gris, n’appartient pas à ce monde. Il vibre à l’horizon, dans les lointains, brille à la pointe et sur la crête, désigne l’au-delà et l’extrême. Réunissant toutes les couleurs pour les réfléchir, il les résume et les subsume, les réduit à leur essence commune : la lumière.
Nous voudrions la traverser sans qu’elle nous traverse. Modelés dans l’ombre, nous cherchons la clarté, mais elle finit par nous pulvériser. Nuits blanches, voix blanches, sang qui s’est retiré, froid soudain, yeux renversés. Les os, tout ce qui restera. Peut-être est-il aussi la couleur de la fin. Le marbre des ruines sous la lune, quand l’angoisse lutte à mains nues avec l’espérance.

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