Novembre
Marron brûle doigts engourdis et lèvres gercées. Le mot comme la chose nous vient des Alpes, ou des Pyrénées. Il en garde un goût de vie sauvage.
Matière première de notre monde qui modèle la terre, le bois ou le pelage. Craquèlement des croisements qui deviennent croissance. Couleur la plus commune, si commune qu’elle sert de camouflage : rien de mieux pour se fondre dans la foule ou le paysage. Il est la nature sans atours, nue et grelottante, telle qu’elle se montre en novembre ; et son obscurité appelle le toucher plus que le regard : la main qui flatte l’animal, serre la peluche, caresse le bois, creuse un sillon, égraine la semence.
Point où la couleur sombre dans la non-couleur, ou bien degré de mélange entre les couleurs où elles s’abolissent l’une l’autre. En effet, aucune trace de lui dans l’arc-en-ciel, mais c’est qu’il est trop modeste pour figurer au ciel. Il appartient au bas monde, à l’humble labeur, aux métiers sans éclat, à ceux qui n’avaient pas de quoi teindre leurs habits ; et il rappelle l’ancien temps, quand les teintures manquaient, le clair-obscur des torches ou des chandelles, les variétés de l’ombre autour du foyer, les visages auréolés dans les ténèbres et les pigments empruntés au sol pour peindre nos passions. Rien ne lui est plus contraire que l’électricité.
Marron nous enracine. Jamais artificiel, la tradition même. Taciturne, sincère, secrètement passionné. Méfiez-vous de sa tranquillité. Il y a un fauve dans ses antres. On l’entend hurler dans l’agonie des jours et des saisons, on sent ses traces dans la fumée d’après le désastre, il rode parmi les ruines, il a la gueule de l’abandon.
Il faut bien le traiter, si on ne veut finir dévoré. Heureux, il sera généreux. Riche comme l’ambre, il préserve le passé et peut le délivrer.

Je ne sais comment transcrire la signature de l’auteur, ou de l’autrice, dans notre alphabet.
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