Octobre
Orange règne en octobre. La rondeur de son initiale prépare la bouche à mordre dans le fruit qui lui donne son nom. Nāranj, nāranga, naranja, arancia, orenge, orange. Sucre ocre que l’on retrouve dans la carotte ou la courge et qui saupoudre cette demi-saison.
L’automne met en lumière l’orange en lui offrant pour cadre sa couleur complémentaire : le bleu. La feuille est la dernière flammèche d’un feu dont le ciel est le cœur. Dans la nuit marine roussissent des lunes embrumées de présages. Contre le gel impeccable se détachent les buissons ciselés et leurs baies prêtes à éclater.
Orange est étrange. Ambigu, excentrique, vite de mauvais goût, trop tape-à-l’œil. Il marque le paria, signale la marge. Attention, ralentissez, écartez-vous, nous prévient-il sur nos panneaux et nos gilets, sur l’uniforme du prisonnier ou la tunique du moine. Entre la fougue du rouge et l’ingénuité du jaune, son mélange fait son mystère.
Il s’épanouit dans les pays où l’automne existe, où la nature a appris à mourir pour renaître. Couleur de fête des morts, des bougies qui les honorent. Pourtant, il me fait rire. Pied de nez, plutôt que révérence. Pitre refusant de prendre au sérieux notre gravité. Regardez-moi, lance-t-il à nos visages froncés, et il se met aussitôt à faire le clown. Triste parfois, quand il en fait trop, quand il détonne avec l’occasion ou l’humeur. Son espièglerie se durcit en grimace.
Britannique à ma connaissance, protestant, luisant dans le cuivre des cuisines, la rouille des jardins, la rousseur de l’écureuil, du renard, de plus d’un habitant. Agile, astucieux, insouciant. Mais il repose aussi dans le corail des mers australes. De nouveau, le bleu lui sert d’écrin, cette fois ni azur ni marine : turquoise. Respiration industrieuse des profondeurs qui purifie notre air et dont le froid crépite dans nos poitrines.

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