Octobre
Orange règne en octobre. La rondeur de son initiale prépare la bouche à mordre dans le fruit qui lui donne son nom. Nāranj, nāranga, naranja, arancia, orenge, orange. Sucre ocre que l’on retrouve dans la carotte ou la courge et qui saupoudre cette demi-saison.
L’automne met en lumière l’orange en lui offrant pour cadre sa couleur complémentaire : le bleu. La feuille est la dernière flammèche d’un feu dont le ciel est le cœur. Dans la nuit marine roussissent des lunes embrumées de présages. Contre le gel impeccable se détachent les buissons ciselés et leurs baies prêtes à éclater.
Orange est étrange. Ambigu, excentrique, vite de mauvais goût, trop tape-à-l’œil. Il marque le paria, signale la marge. Attention, ralentissez, écartez-vous, nous prévient-il sur nos panneaux et nos gilets, sur l’uniforme du prisonnier ou la tunique du moine. Entre la fougue du rouge et l’ingénuité du jaune, son mélange fait son mystère.
Il appartient aux pays où l’automne existe, où la nature a appris à mourir pour renaître. Couleur de fête des morts, des bougies qui les honorent. Pourtant, il me fait rire. Pied de nez, plutôt que révérence. Pitre refusant de prendre au sérieux notre gravité. Regardez-moi, lance-t-il à nos visages froncés, et il se met aussitôt à faire le clown. Triste parfois, quand il en fait trop, quand il détonne avec l’occasion ou l’humeur. Son espièglerie se durcit en grimace.
Britannique à ma connaissance, protestant, luisant dans le cuivre des cuisines, la rouille des jardins, la rousseur de l’écureuil, du renard, de plus d’un habitant. Agile, astucieux, insouciant. Mais il repose aussi dans le corail des mers australes. De nouveau, le bleu lui sert d’écrin, cette fois ni azur ni marine : turquoise. Respiration industrieuse des profondeurs qui purifie notre air et dont le froid crépite dans nos poitrines.

Un texte lumineux et vitaminé qui remet la couleur à l’honneur avec bonheur pour moi qui ne pouvait plus le supporter quand dans les années 80 on nous l’a imposé partout, dans toutes les décos depuis la gare du village jusque sur le linge de table. Une overdose dont je suis enfin débarrassée 🙂
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Oui, c’est vrai ! Avec la carte orange et le TGV ! Et elle est devenue rétro le temps passant.
Maintenant, c’est le gris qui est à la mode, du moins dans les vêtements et l’ameublement. Mais étant donné sa discrétion, son omniprésence passe plus inaperçue.
Je suis heureuse que tu sois réconciliée avec l’orange ! Rien que pour la clémentine, il mérite tout notre amour.
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Autoportrait ?
Je vous taquine (gentiment), quel féminin ne rêverait pas de chiper et la fougue et l’ingénuité puis d’être serti par le bleu si prunelles.
🙂
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Ah je n’y avais pas pensé ! Je ne suis pas rousse en vérité. C’est juste une teinture au henné que je faisais par le passé. Je suis d’un châtain clair sans grand intérêt. Mais j’ai toujours admiré les cheveux roux – de ma grand-mère, de ma meilleure amie d’enfance. Ils ont quelque chose de magique.
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C’est très joliment écrit !
Bonne soirée, Joséphine.
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Merci ! Bonne soirée 🙂
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Beau texte sur une couleur qui n’a pas souvent inspiré les poètes. Bizarrement le bleu est très à la mode en poésie–depuis assez longtemps. Mais le orange est bien plus joyeux.
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C’est vrai ! Cela vient de l’héritage romantique, je pense. Vague à l’âme et horizons infinis. Le blanc aussi revient souvent, la neige notamment. Je ferai marron la prochaine fois, autre couleur peu représentée 🙂
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Très joli texte !
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Merci beaucoup !
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