à la nuit
ne crains aucune lampe
je t’appelle à la lueur de mes seules pupilles
viens louve au lait amer
lèche l’aurore qui tache encore mes mains
je reconnais dans ton regard la cruauté des astres
dis-moi si le froid de mes os est celui des étoiles
et si mourir c’est comme beaucoup dormir
et si le ciel perd un peu de son bleu quand je ferme les yeux
tes pattes soulèvent tour à tour le souci et l’oubli
sous ton pelage frissonne une chute infinie
je ne crois qu’en toi qu’en l’épaisseur de ta noirceur
première dernière et la plus seule
si seule que ma solitude s’abolit
comme tu dois être sage pour ne pas être folle
veille sur mon seuil terrible toute sereine
veille et au matin je te donnerai une pâture de songes
dévores-en jusqu’au souvenir
à l’amour
je ne t’appellerai pas
de ton nom ils ont tout appelé
même leur haine
et tu ne réponds plus
je t’invoquerai par le silence de qui s’entend sans se parler
tu as inventé la vie non par la force mais par la faiblesse
tendresse de pierre à plante de pulpe à langue
et tu la renouvelles de même
par vulnérabilité universelle
compassion élémentaire
notre planète tu l’as choisie dans le désert céleste parce que fragile
infiniment fragile
je t’appellerai par tous les détails insignifiants qui font que chacun n’est aucun autre
puis je ferai le tour de ton nom en passant par ton verbe et ses déclinaisons
ce minimum de sens malgré l’usure
je t’aime tu m’aimes amant ami ainsi j’arriverai à toi
et si tu réponds je ne te demanderai rien
que tu sois là et tout sera
à la mer
dans le rose ourlé d’une coquille
chuchoter la prière
seul le murmure s’accorde à la démesure
incessante scintillance
éparpillement du sens
terme de mes errances
porte-moi loin de moi
à la rupture du ciel
en ce point où l’oiseau s’échappe dans un excès de clarté
brasse et disperse ce qui m’étreint
cette étroitesse de l’être
je viens arpenter tes pays ensevelis
traverser les places spectrales de mes ancêtres
trouver dans un coffre de corail la clef de mon sang qui ne fut pas humain
irradiance glacée qui baigne nos âpretés
comète étale où je plonge comme dans l’espace qu’elle traverse
image perpétuelle qui me ferme les yeux
à la montagne
c’est toi montagne belle qui m’appelle
en moi répond celle que j’ignore celle qui viendra
je la laisse me guider me mener jusqu’à toi
inconnue qui grandit dans l’ascension et me remplacera à la cime
ultime figure non plus chargée mais purifiée par la durée
enfin digne d’être à la hauteur du ciel
le paradis fut inventé ici
le paradis c’est ton été
la crudité de tes fleurs
la voracité de ton soleil
la gorge gargouillant gazouillant
une vie nouvelle
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