

Parution de mon nouveau livre !
Invitation à suivre les pas d’Orphée, à devenir son ombre, son souffle, à emprunter sa voix. Pour aller contre la mort, à sa rencontre, tout contre. Des hautes forêts de Thrace aux marais soufreux des enfers, de la source qui enfanta Eurydice à la rive qui donna naissance à l’orphisme.
Orphée, un nom qui définit la poésie, et dont la destinée se résume au déchirement : déchirer la langue, fouiller sa déchirure, à la manière de sorciers jugeant du foie de leurs victimes, déchirer la chair, pour chercher le désir absent ou réifier ses rêves.
Initiation aux arcanes de l’intériorité, à notre propre obscurité. Formule de l’éternité qui luit sur les lamelles enfouies dans les tombes. Paroles du fond des âges qui résonnent jusqu’ici et maintenant, nous obligeant à nous retourner, à faire face à la fatalité.
Premier opus des Mystères, une série autour du mythe, dont le sens ne s’épuise pas, non parce qu’il serait illusoire et au final absent, mais parce qu’il est mobile et multiple.
La réécriture est une résurrection.
C’est moi qui t’ai trouvée. Étendue dans l’herbe. Face contre terre. Aristée enfui n’avait pas eu la décence de te relever.
Je t’ai tenue glacée et j’ai compris que tu avais été chaude. Glaise tiède que n’égalera aucun marbre de la mémoire. Je t’ai tenue flasque et disloquée et j’ai compris que tu avais été pleine et entière. Muscles ligneux, joues fruitées, yeux de résine et langue de source. Je t’ai tenue lente, entravée, ensevelie déjà dans le pays des songes, et j’ai compris que tu avais été rapide, réelle, déchirant l’espace de ta présence. À mon cri, ton père s’est pétrifié, plus noir que frappé par la foudre. Je ne sais pas s’il reverdira. Les cerfs ont brisé leurs bois contre les troncs et leur sang se mêlait à l’ambre. Les dryades ont disparu dans les feuillages et leurs larmes fleurissaient au pied des arbres. La source s’est tarie. Tous avaient bruissé, chanté, célébré notre passion naissante. Ils nous cernaient à présent de leur silence.
De toi, il ne reste rien. Aucun souvenir solide. Les nymphes n’ont pas de possession.Vous n’êtes que passage. Mourir inflige une condition trop grave à votre légèreté. D’ailleurs, sans homme à vos trousses, vous mourez rarement.
Je n’aurais jamais dû être celui qui reste, la soustraction de notre union, la somme de nos souvenirs. Celui qui se déchire, quand l’âme se retire, mais que le corps reste, par une opération inverse et sœur de celui qui meurt.
La forêt t’oubliera. Renaître est dans sa nature. Remplacer est sa loi. Les bois repousseront au front des cerfs. Les nymphes retisseront la vie passante. Elles tresseront l’air à la pierre, le rayon à la rive, le mâle à la femelle, comme elles l’ont toujours fait, avec et sans toi. Leur amour se conjugue au passé, le mien à l’avenir. Seul je t’ai aimée pour ton unicité, pour cette lueur que tu n’as héritée de personne, quintessence décantée par ta chaleur secrète. Je ne saurais te remplacer.
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