Plumes au vent

L’association Plumes au vent organise des concours de nouvelles et m’a demandée de répondre à quelques questions sur mon parcours littéraire. Je retranscris ici l’entretien, disponible sur leur site.

Comment êtes-vous venue à l’écriture ?

Difficile de désigner une origine. Ce qui m’a toujours charmée en littérature, que je l’écrive ou la lise, c’est la musicalité de la langue qui parvient à susciter, comme par une formule magique, un monde entier, bien plus prégnant, pénétrant que les images, ou même la réalité, parce qu’il est imaginé dans l’intériorité.

Quels auteurs vous ont le plus influencée ?

Les influences dépendent des périodes de ma vie. Ces temps-ci, il s’agit moins d’influence que de reconnaissance. Je découvre des auteurs qui répondent à mes aspirations. Je les prends pour modèles, mais mon écriture leur ressemblait avant que je ne les rencontre. Je pense notamment à Terremer d’Ursula Le Guin et aux Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar. Ces livres n’ont pas décidé de la voie que j’avais déjà empruntée, mais ils m’ont confirmée dans mon choix quand je les ai découverts. D’autres rencontres récentes et décisives : Naissance de l’Odyssée de Jean Giono, Femmes qui courent avec les loups de Clarissa Pinkola Estés, Médée et Cassandre de Christa Wolf, La Horde du Contrevent d’Alain Damasio, La Centaine d’amour et La Rose détachée de Pablo Neruda… Une liste inachevable, il me semble.

Pouvez-vous nous parler de votre recueil de nouvelles, Je serai ta cage et ta forêt ?

Je serai ta cage et ta forêt est un recueil de nouvelles né d’un procédé d’écriture : j’ai demandé cinq mots aux personnes qui me sont les plus proches et écrit une histoire sur mesure à partir de ces mots. Des récits que j’ai voulus brefs et bouleversants comme les rêves. Fables philosophiques, aperçus ou dérives dans des mondes imaginaires. Il y a l’étrangère qui est la dernière à parler sa langue et écrit pour la parler encore, la dormeuse qui sommeille jour et nuit et que son fiancé ne sait plus comment réveiller, des siamoises de l’auriculaire qui ne peuvent se distinguer l’une de l’autre, ni le masculin du féminin, ni l’animal de l’humain, un enfant handicapé de l’imagination à qui sa mère doit faire des injections de songe, deux frères s’aventurant dans le brouillard qui envahit la tête de leur grand-père, un arbre amoureux d’une jeune fille et une jeune fille qui a un trou à la place du cœur… J’ai autoédité le recueil pour plusieurs raisons, entre autres parce qu’il concernait surtout mon cercle intime, mais il a su toucher d’autres lecteurs.

Vous avez récemment publié un recueil de poèmes intitulé Trésors et trouvailles. Passer de la nouvelle au poème est-ce pour vous plutôt un défi ou une récréation ?

La maison d’édition Abrüpt a classé mon ouvrage en poésie. Je suis touchée par ce geste, mais je ne sais pas si je considère Trésors et Trouvailles comme de la poésie. De la prose poétique, certainement, comme une grande partie de ce que j’écris, y compris nouvelles et peut-être roman. Je cherche dans l’écriture une épaisseur sensorielle et symbolique, une puissance d’évocation, une économie et une exigence de formulation, qui toutes caractérisent la poésie. Mais je place la poésie trop haut, au-dessus de toute littérature, et il m’est plus facile de penser que je fais autre chose pour continuer à écrire.

Vous envisagez votre blog d’auteure comme un atelier à ciel ouvert. Est-ce important pour vous d’explorer de nouvelles façons d’écrire ?

Oui, je ne veux pas tomber dans la facilité. Je fais et défais des formes pour me former. Je ne sais pas encore si j’ai trouvé celle qui me convient et quand je l’aurai trouvée, il faudra en changer pour ne pas la rigidifier.

Au cours du XXème siècle, plusieurs artistes se sont attelés à dresser des ponts entre l’écriture et l’expression plastique. Je pense notamment à Magritte, Marcel Duchamp, Cy Twombly ou Claude Lévêque. Que pensez-vous de ces hybridations ? En 2019, quelles sont, selon vous, les voies à explorer pour poursuivre cette réflexion ?

L’art conceptuel s’est intéressé aux procédés de langage et d’écriture et de nombreux artistes en héritent aujourd’hui. Même si j’apprécie cette tendance, son ironie, sa poésie, je cherche surtout dans l’art la matérialité. Le fait de s’exprimer dans l’opacité de la matière, donc sans les mots. De même en écriture, sauf que dans ce cas, paradoxe passionnant, la matière opaque, ce sont les mots eux-mêmes. Je ne réponds pas exactement à la question, mais il m’est difficile d’avoir un avis pertinent sur l’avenir de l’art n’étant pas moi-même artiste visuelle. Cependant, l’écriture est aussi un art visuel. Dans ce champ, la typoésie de Jérôme Peignot a été ma plus belle découverte. Le geste de l’écriture et son résultat, la langue faite main et dessin m’intéressent aussi. Je trouve les manuscrits très émouvants. Qu’ils soient de grands auteurs ou d’anonymes. Peut-être encore plus d’anonymes, car la célébrité voile la sincérité. La graphie, c’est l’esprit qui vibre sur la page, le sismographe de nos secrets.


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