
Les identitaires de gauche aiment l’humiliation, ils la célèbrent, ils en font des cérémonies. C’est devenu le rite par excellence de cette nouvelle secte qu’on appelle le wokisme, sorte de surgeon du protestantisme.
Les femmes demandent aux hommes de s’excuser d’être des hommes, et ils doivent s’avilir dans l’excuse en récusant tout ce qui les fait hommes, leurs goûts, leurs valeurs, leur chair même. De même, les blancs doivent s’excuser d’être blancs, même s’ils n’ont jamais eu une pensée ou un geste raciste de leur vie. Et l’on pourrait continuer la liste des coupables : occidentaux, hétéros, cis, vieux, bourgeois, etc.
Ceux qui veulent entrer dans le cercle sacré des éveillés doivent se prêter à la cérémonie, mais celle-ci présente la particularité d’être infinie. Les hommes ne cesseront pas d’être des hommes, ni les blancs d’être blancs, ni les plus de cinquante ans d’avoir plus de cinquante ans, ni les hétéros d’être hétéros et les occidentaux d’être occidentaux, et ne sommes-nous pas tous bourgeois selon leurs critères ? Puisqu’il suffit d’admirer la beauté ou de respecter la famille pour être bourgeois. Paradoxe en ce que le wokisme est une idéologie créée et propagée par des privilégiés.
Les coupables ont beau s’excuser, leur faute est irrémédiable, elle vient de leur naissance même et, à moins qu’ils ne mettent fin à leurs jours, la cérémonie se poursuit. Ceux qui reçoivent leurs excuses ne les respectent pas, ils les méprisent de s’humilier ainsi, tout en prenant plaisir à leur humiliation. Je n’invente pas, j’ai été le témoin de telles mises en scène, plus précisément de leurs effets : de la profonde souffrance de ceux qui en sont les victimes, et j’en ai assez. Tout ceci est aussi ridicule que cruel.
Franchement, je ne sais pas comment réagir quand un homme s’excuse d’être un homme. Il demande un pardon que je ne peux accorder, puisque je ne connais pas sa faute : être un homme, en soi, n’en est pas une. Peut-être en a-t-il d’autres, peut-être s’est-il mal comporté envers des femmes en particulier. Dans ce cas, ce n’est pas moi, mais elles qui doivent recevoir ses excuses et, si elles le jugent bon, accorder leur pardon. Pour se croire en droit de demander le pardon de tout homme, quel qu’il soit, quoi qu’il ait fait, pour le simple fait d’être un homme, une femme doit avoir l’esprit troublé. Et ce raisonnement est applicable à toutes les autres catégories du wokisme. On a des relations avec des personnes, pas avec des classes.
On m’a dit que je devrais être plus clémente envers les identitaires de gauche, parce qu’à la différence des identitaires de droite, ils ont de bonnes intentions. Lutter contre le sexisme, le racisme, l’homophobie, éradiquer l’oppression et l’injustice. Vraiment ? Dans leurs gestes et leurs discours, je ne vois qu’une haine sidérante pour leur prochain, précisément en ce qu’il est différent d’eux. Ils ne veulent pas abolir la domination, ils veulent l’inverser à leur avantage et se venger au passage.
Par ailleurs, si on fait du mal avec de bonnes intentions, c’est qu’on n’a pas fait assez attention, et notre faute consiste à ne pas avoir fait attention, dans ce cas à ne pas avoir remarqué la souffrance qu’on infligeait et les principes moraux qu’on violait, comme la dignité de la personne humaine ou l’obligation de réciprocité. L’hypothétique et invérifiable bonne intention ne saurait se substituer à notre conscience et notre responsabilité.
J’entends souvent critiquer le wokisme pour son moralisme. Mais le wokisme est le résultat de l’absence de morale, d’une culture qui refuse de penser en termes de bien et mal. On a voulu aller au-delà, on est tombé en deçà. En classant les gens par catégories, ce mouvement essaye de désigner le mal, d’élaborer une théorie pour en rendre compte et le combattre, et cette théorie, ignorante de ce que les hommes ont pensé sur le sujet depuis leur origine, de la religion à la philosophie, de la tragédie aux contes, aux images et aux rêves, cette théorie est maladroite, immature, caricaturale, largement fausse. Mais pour lutter contre, il ne faut pas moins de morale, il en faut une meilleure, et toute l’histoire humaine qui nous est parvenue nous en fournit plus qu’il n’en faut.
Bref, contre l’humiliation, une seule solution : le sens de l’honneur. Je voudrais chuchoter à ceux que je vois se rouler par terre, sous les coups : relevez-vous, recouvrez votre dignité, ils ne vont pas s’arrêter parce que vous gémissez, ils jouissent de vos gémissements. Pour respecter les autres, il faut commencer par se respecter soi-même. Alors, arrêtez de demander pardon pour votre sexe, votre pays, votre âge, votre famille, vos amours, votre couleur de peau ou que sais-je encore. Rien de tout cela n’est un crime, mais c’est un crime de ne pas les honorer, de ne pas vous honorer en donnant le meilleur de vous-mêmes, et ce n’est certainement pas ce que vous faites avec ces litanies d’excuses.
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