En écriture, un conseil courant : multiplier les expériences et en tirer profit. Vivre toutes sortes de sensations et de situations, noter ce qui nous traverse dans des carnets matériels ou immatériels et, pour l’œuvre finale, reprendre cette matière brute, la travailler, l’agencer.
Directive qui m’a toujours profondément dérangée, comme si elle pervertissait, ou même, osons le mot, profanait ce qu’il y a pour moi de plus intime et intouchable dans l’écriture et dans la vie : ce point précisément où elles se rencontrent, où elles ouvrent l’une sur l’autre.
La vie mise au service de l’écriture, considérée comme un moyen de faire œuvre, voici la manière la plus sûre de passer à côté de la vie comme de l’écriture.
La vie ne sert pas à nourrir l’écriture, c’est l’écriture qui sert à rendre la vie comestible. D’une peine elle fait un pain, d’une joie une fontaine.
L’écriture est le seuil de la vraie vie, mais si cette vraie vie est ensuite détournée, exploitée pour écrire toujours davantage dans l’idée de bâtir je ne sais quel édifice, la porte se referme.
L’écriture ne transmet pas l’expérience, elle l’atteint au cœur d’une pointe et réchauffe nos mains à son sang.
Il suffit de peu d’expérience. Il suffit d’une seule expérience. Il ne faut pas la vivre pour l’écrire, il faut écrire pour la vivre.
Dans l’écriture est la plénitude de la vie, mais on ne le comprend qu’en renonçant à remplir l’écriture de notre vie.
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