Suite à mon article Qui es-tu ? et en réponse à celui de Quyên Lavan Notes d’un poisson à plumes, voici ma configuration d’après la typologie jungienne : une intuitive introvertie, avec une dominante pensée, le sentiment venant ensuite, et enfin la sensation extravertie, ma fonction mineure.
Intuition introvertie : En un autre temps et lieu, j’aurais été un oracle dans sa grotte humide, ou une chamane amie d’une meute de louves. On me disait une enfant sage. Quelques anecdotes racontent comment je pouvais rester parfaitement immobile pendant des heures. Je me rappelle que j’imaginais, d’une imagination qui prenait le corps, donnait le vertige ou hérissait le poil. J’aurais pu rester là indéfiniment à imaginer, si on ne m’avait jeté le réel à la tête ; et tant mieux, sinon je ne serais jamais sortie de moi-même, bien que cette réalité intérieure où je me tenais dépassât largement les limites du moi. Je songeais souvent à l’univers, l’âme et la mort. Dieu jouait avec moi. Il me revenait des souvenirs de vies antérieures. Un jour, je demandai où se trouvait l’âme et un adulte me répondit qu’elle n’existait pas : ce fut comme si on m’avait annoncé que j’étais déjà morte. On me reprochait ma distraction, mais les distraits sont en vérité concentrés, entièrement absorbés.
Pensée (extravertie ou introvertie ?) : L’intuition introvertie n’est pas la bienvenue dans notre société. L’extravertie peut y faire des miracles avec ses qualités d’invention et de fédération, mais l’introvertie n’a sans doute de place que dans les arts. Comme mes parents étaient de type pensée et qu’ils n’exigeaient de moi que ma réussite à l’école, j’ai sans doute développé cette faculté comme le meilleur moyen d’adaptation et d’insertion, tout de même assez tardivement, vers 10-11 ans, et d’ailleurs je peux la perdre au contraire de l’intuition. L’objectivité du type pensée est une qualité à laquelle j’aspire : la capacité à se décentrer, à préférer la vérité à soi-même, à s’aventurer en dehors de sa conscience, dans l’altérité des choses et des éléments. La vitesse et le vertige de l’intuition se trouvent également équilibrés par la précaution et l’ancrage de la connaissance.
Sentiment introverti : Émotions submergeantes, hypersensibilité. L’amour pour raison d’être, mais la société m’est un exil, la mondanité un supplice. J’ai longtemps rêvé d’être ermite ou anachorète. Rousseau n’a pas pour rien conquis mon cœur contre Voltaire. Sans doute la raison de mon attrait pour le romantisme : mon sentiment cherche l’absolu et l’extrême. Intense mais immature, il apprend peu à peu la nuance, la concession. Il se raffine, se différencie comme dirait Jung, par l’amitié à partir de 21-22 ans, mais le chemin est loin d’être achevé.
Sensation extravertie : Dans mon cas, le monde extérieur vient après le monde intérieur. Il est secondaire, affecté d’une moindre réalité, ou d’une réalité si étrangère qu’elle me fascine. Les sensations m’hypnotisent comme des visions venues d’ailleurs. Elles sont plus proches de l’hallucination que mes rêves. Je dois me concentrer pour percevoir ce qui m’entoure, être ici et maintenant ; et je ne suis pas sûre de le vouloir : la vie comme elle est, sans autrement, m’angoisse terriblement par son prosaïsme. En même temps, la vie sensible, la vie sauvage m’inspirent. Plus, elles me comblent. J’y ressens une assomption. D’où mon côté aventurier, exploratoire, prenant parfois des risques inconsidérés, alors même que je suis dépourvue de tout sens pratique.
Votre commentaire