Récit de rêve
Ma famille, mes parents et ma petite sœur, qui n’est plus si petite, viennent me rendre visite à Barcelone. Je leur propose un parcours qui sort de l’ordinaire, puisqu’ils connaissent déjà la ville : une promenade sur les toits jusqu’au Typhon. Nous marchons de terrasse en terrasse, enjambant le marchepied du vide, croisant les guerriers de Gaudí, ainsi que ses tours ajourées et azuléjées, cherchant notre chemin dans de vastes débarras, greniers à ciel ouvert, des jardins rapiécés, calcinés, et d’autres ombreux et moites, véritables oasis. Barcelone est une ville de collines. D’un toit à l’autre, nous grimpons, gravissons, tandis que la végétation s’épanche de plus en plus entre les pierres. L’espace entre les immeubles, vu d’en bas, est rempli de ciel, vu d’en haut y coule l’eau. La ville, maintenant, ressemble à une Venise pauvre et ensauvagée, dont les canaux s’enlisent dans la vase ou se changent en torrents sous la bouffée des arbres.
Ma mère, impatiente d’arriver, nous précède. Je voudrais la rattraper pour l’aider à passer les trois torrents – ne pas se tenir au bord de leur déversement, prendre un détour par la forêt –, mais quand j’y arrive, elle a déjà dépassé cette étape. Je poursuis jusqu’à une ruelle inondée entre deux escaliers, que je traverse à la nage. Ma mère m’attend sur les marches de l’escalier supérieur, trempée. « Je vais rentrer, j’ai mal à la cheville, j’en ai assez. »
Elle part et j’attends à sa place que mon père et ma sœur se présentent à l’escalier inférieur. Je leur donne des indications pour qu’ils ne se laissent pas emporter par le courant en traversant. Fatigués, ils les reçoivent de mauvaise grâce. Je continue. Je ne marche plus sur les toits. À son sommet, la ville est basse, un village aux venelles pavées entre des maisons à pas plus d’un étage. Vu leur découragement, je ne vais pas tarder, seulement regarder au-delà du tournant. Le soleil va bientôt se coucher.
Après le tournant, la ville s’achève dans une dernière ruelle. Au loin, une tornade déforme le paysage, mêlant le blanc de la neige au noir de la nuit. C’est le Typhon. J’appelle mon père et ma sœur. « Il est là ! Dépêchez-vous ! Nous y sommes. » Je le laisse approcher, me traverser, m’attendant à me disperser dans le vent. Mais le Typhon n’est pas un souffle, c’est une foule de chevaux blancs, immenses, puissants. Leur tourmente m’entoure, sans me blesser. Puis vient un léger tremblement de terre. En vérité, un troupeau de tortues, une espèce des pôles, inconnue, qui se distingue à peine de la neige et la rend infiniment mouvante. Arrivent alors les loups et les chiens-loups. Effrayée, je monte sur un banc. Contrairement aux chevaux et aux tortues, ils me voient, m’encerclent, sautent autour de moi et l’un d’eux si haut que sa gueule se trouve juste en face de mon visage. Veulent-ils me fêter ou me dévorer ?
Dans un autre rêve de cette nuit, nous sommes rentrés à la maison, à Paris. Ma mère entre dans la chambre où ma sœur et moi discutons, assises sur le lit, et nous offre un jus de pastèque tandis qu’elle tient une tranche de ce même fruit, une tranche énorme, aussi grande qu’elle, un gigantesque sourire, qu’elle croque au coin et cela nous fait rire.
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