Substantif masculin.
Du latin, miraculum, de mirari : regarder, admirer, donnant lieu entre autres à l’italien miracolo, l’espagnol milagro, le portugais milagre, le roumain miracol, le basque mirari, le corse et sarde miraculu, l’espéranto miraklo.
Le miracle réside déjà dans ces sonorités où le pli ouvrant du mi et celui fermant du cl découvrent délicatement l’or brillant du a. Le mot, par sa magie propre, invoque, provoque ce qu’il désigne. Crier au miracle, c’est le créer.
1. Prodige : événement contrevenant aux lois de la nature ou contredisant toutes probabilités, suscitant l’émerveillement ou l’admiration, renforçant la croyance, encourageant l’espoir et invitant au rêve. « Raconte, raconte tous les miracles qu’il y a eu ici aussi. » (Henri-Pierre Roché, Jules et Jim).
2. Mirage : illusion dûment entretenue à des fins plus ou moins honnêtes. « Cour des Miracles, se disait d’un endroit de Paris où se réunissaient les gueux et les mendiants, ainsi dite parce que ceux qui simulaient toutes sortes d’infirmités pour solliciter la charité, redevenaient là sains et dispos » (Émile Littré, à l’entrée « miracle » de son dictionnaire). Les régimes miracles se révèlent souvent des régimes mirages.
3. Monstre : ombre du miracle, son double, son négatif. Tout miracle tient du monstre comme tout monstre du miracle. Déviations de la nature, exceptions à la norme, en apparence (et seulement en apparence) l’un en bien et l’autre en mal. « L’éléphant est en même temps un miracle d’intelligence et un monstre de matière. » Buffon, Quadrup.
4. Prouesse : dans les expressions « faire des miracles », « faire miracle », les locutions adverbiales « à miracle », « par miracle » ou la dénomination historique « le miracle grec ». Il existe des miracles d’adresse et d’harmonie comme, par antiphrase, des miracles de laideur et de bêtise.
5. Mystère : effet sans cause. L’enfant du miracle est un enfant trouvé que personne n’a reconnu. La précipitation inexpliquée de sulfate de baryum était autrefois appelée « miracle chimique ». Une variété de froment porte bien mystérieusement le nom de miracle, occasionnant de suggestives récoltes et semailles du miracle.
6. Message : le miracle fait signe vers un au-delà, profane ou religieux. Il apporte un sens, une caution, une annonce. Dans le drame liturgique médiéval, les Miracles, précédant les Mystères, exposent les miracles de la Vierge ou d’un saint.
Glissements de sens : pour exprimer un simple étonnement, dans l’épanchement de l’amitié ou par une politesse exagérée : « c’est un miracle de te / vous rencontrer ici ». À l’inverse, par ironie, pour décrire un fait qui n’a rien d’extraordinaire, ni même de notable : « voilà un beau miracle », « il a fait un beau miracle ».
La langue, toujours savante et pertinente, fait rimer miracle avec oracle, spectacle, obstacle, débâcle, habitacle, réceptacle, pinacle et tabernacle. Le curieux lui trouvera moult synonymes, mais aucun antonyme. Ce mot rayonne au point de tenir ses contraires dans une ombre éternelle.
Réponse à la consigne de Laurence Délis pour l’agenda ironique d’août : écrire à partir de la phrase d’Henri-Pierre Roché, tirée de Jules et Jim « Raconte, raconte tous les miracles qu’il y a eu ici aussi », en l’incluant dans le texte.
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