Patrizia Valduga est née en 1953 et vit à Milan. Elle est poétesse et traductrice. Ici des passages qui m’ont frappée de Donna di dolori : une femme morte et enterrée se décompose tandis que son esprit, encore lucide et conscient, se révolte, se rappelle, observe, en hendécasyllabes à rimes suivies, avec un niveau de langage allant du plus raffiné au plus familier.
Femme de douleurs
Extraits
Oh non ! C’est moi qui goutte ?
Une limace qui fond au soleil… moi ?
Mon cœur qui se liquéfie, qui me rince
les entrailles, les cuisses… Trempée…
Et s’il continue, et comment en douter ?,
peu à peu cette chair se creusera une voie, s’en ira.
Oh non, pas encore, non, non, pas la mienne,
pas encore, j’ai du temps, disais-je, j’ai du temps.
Mais quel temps, os affamé, temps
de merde ! Voilà, toute ma vie est passée,
des années et des années et des années à mordre,
à ronger mon cerveau écorce après écorce.
Puis, goutte à goutte, je mesure les heures.
Dans le noir absolu, sous ma douleur,
sous le noir de la nuit je m’enfonce.
Scène de songe, muette, ombre du monde,
un rien de deux touts et de deux vies,
Petite éternité, et heures infinies,
pleine de moi, vivante d’un cœur
qui s’en va dégoulinant sans bruit,
je m’engorge sous ma douleur.
Ma douleur est douleur de l’esprit
pour mon monde… et pour celui qui le dépasse…
Si je deviens folle ne me faites pas de mal.
Si j’ai été une sentimentale,
répétant toujours la même erreur,
ne me faites de mal, s’il vous plaît.
Vu que… étant… étant donné… je ne sais quoi,
voilà, ça y est, je deviens nerveuse ;
c’est que je les entends et le souffle me manque.
Vu qu’à la fin, en somme,
j’ai essayé. J’ai voulu essayer.
Et si je me suis trompée, que puis-je faire ?
Me tromper encore et encore et ainsi de suite.
Et ainsi soit-il. De quelque manière que ce soit,
par idiotie, maladie et dégoûts.
Putain, mais regarde ce qu’ils m’ont fait !
Où je trouve concrètement, et aussi abstraitement,
la force de rester une et entière ?
Je ne pisse plus. Et je me sens comme noire.
Je me sens comme si je répandais du noir.
Quelle bêtise !… Et si c’était vrai ?
Que la terre le reçoive et le boive.
Il y a quelqu’un là-haut ? Il me semblait…
Et puis peut-être qu’on ne pisse pas dans cet état.
Et puis dans le fond j’ai pissé tant de fois dans ma vie !
Maintenant ça suffit. Quel soulagement !
Il y a quelqu’un là-haut ? Non. Je disais
que ça ne me fait plus ni chaud ni froid.
Oh nuit, témoin d’émeraude,
quelle humiliation pour un peu d’affection !
Toutes ces choses que je ne comprends pas
se nouent indémêlables dans ma poitrine.
Trésor, dépêche-toi ou je disparaitrai,
prends-moi dans tes bras et cache-moi bien !
Ne cherche à pas tirer du vide de mes veines
une conclusion hasardeuse.
Je suis simplement amoureuse,
Terrifiée de ne pas être aimée.
Ah Dieu merci, Dieu merci, Dieu merci,
elle est passée, elle est finie, Dieu merci,
ma vieille vie, ma vieille histoire.
Mais si la mémoire me donne un droit,
Je déclare ici au monde entier
que sans Marx et sans Freud vraiment
je n’aurais rien compris à rien.
Et pas seulement à ma propre histoire,
mais à la vie, dis-je, en général.
Là-haut partout on adore le capital,
et on mesure la vie à sa douleur.
Sur la terre qui meurt assiégée,
peut-être toi aussi, nuit sereine,
tu te décolores comme tout ciel se décolore,
privé d’air, en un halo pâle ?
Nuit sereine, lente procession
De tant de soleils à l’horizon extrême,
nous ici, de dessous la terre, je te l’annonce,
nous dirons une messe des morts pour les vivants.
Morts… vivants… séparés ! et les ressuscités ?
Et les cancéreux ? les comateux ? les agonisants ?
Mais eux… ils vont et viennent… quelle peine…
Je meurs de plus en plus, nuit sereine…
Vraiment il n’y a même pas un Orphée pour moi ?
Oh vite… vite… car il ne cesse de… car
mon esprit… Oh Elvio, toi non plus
tu ne viens pas à ma rencontre ? personne ne descend ici
à ma rencontre ? oh vite… car mon esprit
ne cesse de s’en aller… moi… supprimée…
Moi faite nuit de moi-même.
*
Oh non così! Io qui uno sgocciolio?
una lumaca che si squaglia… io?
col cuore che si scioglie, che mi sciacqua
le viscere, le cosce… tutta in acqua…
E se continua, e come dubitarne ?,
a poco a poco anche questa carne
si scava la sua via, se ne va via.
Oh, non ancora, no no, non la mia,
non ancora, ho tempo, dicevo, ho tempo.
Ma quale tempo, osso affamato, il tempo
del cane! Ecco, tutto mi è trascorso,
in anni e anni e anni a dar di morso,
in rodermi il cervello a scorza a scorza.
Poi goccia a goccia misuro le ore.
Nel tutto buio, sotto il mio dolore,
più giù del buio della notte affondo.
Scena muta di sogno, ombra di mondo,
un niente di due tutti e di due vite,
piccola eternità, e ore infinite,
pienissima di me, viva di un cuore
che mi sgocciolava via senza rumore,
in me ringorgo sotto il mio dolore.
Dolore della mente è il mio dolore…
per il mio mondo… e per l’altro maggiore…
Se impazzisco non fatemi del male.
Se sono stata una sentimentale,
sempre cascata nello stesso errore,
non fatemi del male, per favore.
Visto che… dato… dato… non so cosa,
ecco, ci siamo, divento nervosa;
è che li sento e che mi manca il fiato.
Dato che alla fine, tutto sommato,
io ho tentato. Ho voluto tentare.
E se ho sbagliato cosa posso fare?
sbagliare ancora e ancora e così via.
E così sia. In qualche modo sia,
per idiozia, malattia e disgusti.
Cazzo, ma guarda cosa mi hanno fatto!
Dove trovo in concreto, e anche in astratto,
la forza di restare tutta intera?
Non piscio più. E mi sento come nera.
Mi sento come se spandessi nero.
Che stupidaggine! … E se fosse vero?
la terra lo riceva e se lo beva.
C’è qualcuno lì sopra? Mi pareva…
Poi forse non si piscia in questo stato.
Poi in fondo nella mia vita ho pisciato
tante volte! Ora basta. Che sollievo!
C’è qualcuno lì sopra? No. Dicevo
che non mi fa più né freddo né caldo.
Oh notte, testimone di smeraldo,
che umiliazione per une po’ d’affetto!
Fanno un tale groviglio nel mio petto
Tutte queste cose che non capisco.
Tesoro fa’ presto se no svanisco,
prendimi in braccio e nascondimi bene!
Non volere dal mio vuoto di vene
tirare una conclusione azzardata.
Sono semplicemente innamorata,
atterrita di non essere amata.
A grazie a Dio, grazie a Dio, grazie a Dio,
è passata e finita grazie a Dio
questa mia vecchia vita, vecchia storia.
Ma se mi dà un diritto la memoria,
dichiaro a questo punto al mondo intero
che senza Marx e senza Freud davvero
io non avrei capito proprio niente.
E non della mia storia solamente,
ma della vita, dico, in generale.
Lassù ovunque si adora il capitale,
e si misura vita con dolore.
Sopra la terra che assediata muore,
forse anche tu, notte serena, allora
scolori come ogni cielo scolora
senza più aria in un livido alone?
Notte serena, lenta processione
di tanti soli all’orizzonte estremo,
noi qui del sottoterra ecco diremo
una messa dei morti per i vivi.
Morti… vivi… divisi! e i redivivi?
e chi ha il cancro? gli in coma? i semivivi?
Ma loro… vanno e vengono… che pena…
Io muoio sempre più, notte serena…
Proprio non c’è neanche un Orfeo per me?
Oh presto… presto… che non cessa… che
la mia mente… Oh Elvio, neanche tu
mi vieni incontro ? nessuno quaggiù
mi viene incontro? oh presto… che non cessa
di andarsene la mente… io… soppressa…
sono fatta la notte di me stessa…
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