Encore amoindrie

Récit de rêve

Tu sors de l’immeuble et vas consulter la boîte aux lettres. Le pli glisse de ta main. Plus d’os dans ton pouce, qui retombe mollement sur ta paume. L’assassin est venu en retirer le contenu pendant ton sommeil. Mais il t’a laissé les yeux. Pourquoi ? Pour que tu voies ce qu’il te fait. Jusqu’à la dernière éviscération. Tu consultes le médecin, une femme. Elle place des poids sur tes jointures. Comme ta cheville est souple, elle te félicite, c’est impressionnant. Normal, tu n’as plus d’os dans la cheville. Il arrive, il est derrière la porte du cabinet. Tu fuis par la fenêtre, descends la façade, avec une aisance d’araignée, si agile, si légère, l’avantage d’avoir de moins en moins d’organes. Tu arrives dans la cour de ton lycée, où des étals regorgent de pâtisseries lors d’une fête de fin d’année. Dans une coupure de presse, tu as lu qu’une de ses victimes avait survécu plus longtemps que les autres en mangeant de la confiture. On en a retrouvé la trace en analysant la dentition de son cadavre. Justement, il te manque une dent, qu’il a dû enlever. Il faut te reconstituer. Manger pour combler ce qu’il mange. Chaque nuit, il vient prélever des éléments de ton intériorité pour les dévorer. Pourquoi ne se contente-t-il pas de te tuer, au lieu de te soumettre à cette torture ? Tôt le matin, tu hésites à traverser le couloir de l’enfance. Il attend ton passage pour te capturer. Tu te réveilleras encore amoindrie. Tu te réfugies sous les combles d’un toit. Avec de la confiture. Le papier journal couvre les murs. Le ciel s’aperçoit par les fissures. Tu sursautes. Il est là. Toujours là. Pour prendre son dû.


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