Le podcast des Rebelles du Genre interviewe des féministes francophones critiques du genre, en général de tendance radicale. Je vous recommande tous les épisodes, en particulier le plus récent, où Jeanne expose avec clarté le problème des statistiques :
« Ce que j’aimerais, c’est insister sur un point en particulier qui n’a pas encore été abordé dans le podcast, je crois, et qui pose vraiment problème, en tant que femme, en tant que féministe, mais aussi en tant que sociologue : c’est l’importance des données statistiques basées sur le sexe. En fait, je pense que les féministes et les femmes en général ont besoin que des statistiques soient régulièrement recueillies concernant les inégalités et les discriminations et les violences fondées sur le sexe. C’est-à-dire que, si on veut que les gens en général et que les décideurs politiques en particulier, aient une vraie conscience de l’ampleur de ces problèmes et que des politiques publiques à la hauteur de ces problèmes soient mises en oeuvre, il nous faut des données objectives et les plus précises possibles sur ce qu’on vit en tant que femme : sur les violences des hommes, sur leur évolution dans le temps, etc.
Et en fait, il n’y a qu’à regarder ce qui se passe avec #MeToo et avec #MeTooInceste, par exemple : on a beau avoir des chiffres fiables qui montrent que les violences sexuelles sont extrêmement répandues dans tous les milieux, que ce sont des violences sexistes qui touchent de manière prédominante les filles et les femmes, on a beau avoir tous ces chiffres, on nous reproche quand même de mentir, d’exagérer ou alors, on dit que les choses ont évolué, qu’elles se sont améliorées, alors même que les chiffres disent l’inverse. Donc, voilà. Vous imaginez que si en fait on n’avait même pas de statistiques fiables pour appuyer nos propos, nos revendications n’auraient carrément aucun poids en fait. Et sur ce sujet des statistiques, je voudrais souligner plusieurs choses. Alors, d’abord le fait que la variable “sexe”, elle est importante et elle est pertinente dans l’analyse de quasiment tous les phénomènes sociaux. C’est-à-dire que dans n’importe quel domaine en général, vous allez trouver des différences significatives entre les hommes et les femmes. Et ça, ça va du niveau de rémunération aux pratiques de loisirs, aux opinions politiques, à la propension à commettre des violences… tout en fait !
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Du coup, forcément, les hommes qui s’identifient comme des femmes vont avoir des comportements typiques d’hommes. On sait que, par exemple, les hommes transidentifiés ont la même propension à commettre des infractions violentes que les autres hommes, voir une propension légèrement supérieure selon les études, et ça, ça peut s’expliquer par plusieurs choses. Je pense que, effectivement, le fait d’être marginalisée et précaire, le fait d’avoir des problèmes psy aussi, ça peut jouer un rôle, mais la socialisation masculine joue clairement un rôle là-dedans aussi. Et il y a notamment une étude scientifiquement solide qui a été menée en Suède sur plusieurs centaines d’hommes transidentifiés qui montre ça. C’est une étude d’il y a 10 ans qui a montré que les hommes transidentifiés étaient six fois plus nombreux que les femmes à commettre un crime ou un délit et 18 fois plus nombreux que les femmes à commettre un crime ou un délit violent. Et en plus, cette étude ne prenait en compte que des hommes qui avaient déjà subi une opération de “changement de sexe” comme on dit, c’est-à dire en fait des hommes qui étaient transidentifiés depuis des années, qui avaient été prêts à subir tout un parcours médical, chirurgical, social, difficile pour obtenir ce qu’ils voulaient. Ce n’étaient pas simplement des hommes violents qui se faisaient passer pour des personnes trans histoire d’avoir accès plus facilement à des victimes.
Donc voilà !
Le fait qu’on se dirige de plus en plus vers ça, ça risque d’entraîner des gros problèmes dans la fiabilité et la précision des données statistiques. Ça, c’est un risque qui est réel, je ne suis pas parano quand je le souligne… En Angleterre la semaine dernière par exemple, il y a une étude qui a été lancée par le “domestic abuse comissioner” (c’est un organisme public) et ils ont lancé une étude destinée aux victimes de violences conjugales, et cette étude ne demandait pas le sexe de la personne interrogée ! Elle ne demandait que l’identité de genre…
En voyant ça, je me dis “mais que vaut une étude sur les violences conjugales qui ne prend pas en compte le sexe des victimes ?” Sachant qu’en plus les masculinistes passent leur temps à nous dire “Mais les hommes aussi sont victimes de violences conjugales”… et heureusement on peut leur répondre avec des chiffres solides que la grande majorité des victimes sont des femmes, la grande majorité des auteurs sont des hommes. Si on ne mesure plus cet écart hommes/femmes, en fait on fait disparaître la violence sexiste, on se retrouve à analyser les violences conjugales comme simplement des relations conflictuelles violentes entre les individus, sans voir le tableau plus large de la domination masculine. Et du coup, bah, bon courage pour y mettre fin en fait ! Et les activistes trans, à ça, ils répondent qu’il y a très peu de personnes trans dans la société et que du coup le fait de prendre en compte l’identité de genre plutôt que le sexe dans les statistiques, ça changera quasiment rien ! Mais en fait, ce n’est pas tout à fait vrai…
Je vais prendre un exemple, celui des viols et des agressions sexuelles. Il y a une toute petite minorité, entre 2 et 4 % des auteurs, qui sont des femmes. Le fait que des violeurs hommes transidentifiés, même peu nombreux, soient enregistrés comme femmes, cela peut augmenter de manière drastique les chiffres sur les violences sexuelles commises par les femmes. C’est ce qui s’est passé au Royaume-Uni ces dernières années… Ce qu’il faut savoir, c’est que là-bas, le crime de viol, légalement, il requiert un pénis. C’est une pénétration avec un pénis en fait, c’est comme ça qu’il est défini légalement. Donc en théorie, seuls des hommes peuvent être accusés de viol au Royaume-Uni. Il y a des cas très rares où des femmes sont accusées parce qu’elles ont participé au viol aux côtés d’un homme, donc elles sont condamnées comme complices. Mais ces cas se comptent sur les doigts d’une main chaque année. Et pourtant, ce qu’on observe, c’est qu’entre 2012 et 2018, il y a environ 430 viols qui ont été enregistrés comme ayant été commis par une femme. C’est une augmentation brutale, énorme, et pourquoi ? Parce qu’en fait de nombreux services de police à travers le pays ont pris l’habitude d’enregistrer l’identité de genre déclarée par les violeurs plutôt que leur sexe. Du coup, si on regarde ça rapidement, on pourrait conclure à une augmentation de la violence chez les femmes. Heureusement la définition légale du viol, qui en soi est très critiquable, prouve que ce n’est pas ce qui se passe au Royaume-Uni. Mais qu’est-ce qu’il en serait en France si la police et les tribunaux se mettaient à enregistrer massivement les violeurs transidentifiés comme des femmes, sachant qu’en France une femme peut tout à fait être accusée de viol (on peut violer avec ses mains, avec un objet, voilà) ? En fait, on ne saurait pas comment interpréter ces données. On pourrait penser que c’est une augmentation de la violence sexuelle commise par les femmes !
Voilà, c’est juste un exemple. Il y a bien d’autres domaines où les statistiques basées sur le sexe sont tellement contrastées qu’un petit nombre d’individus enregistrés dans la mauvaise catégorie peut fausser complètement les résultats, et en plus, si le changement d’État civil devient de plus en plus facile, la proportion de personne enregistrées dans le mauvais sexe va augmenter. Ça va influencer d’autant plus les statistiques. Du coup, comment est-ce qu’on pourra mesurer ne serait-ce que, je sais pas, la réalité des écarts de salaires entre les hommes et femmes ?
Ça va devenir impossible, donc il faut vraiment, vraiment continuer à recueillir des données sur le sexe. Cela n’empêche pas de poser aussi des questions sur l’identité de genre. Au contraire, je pense que c’est un phénomène social qui mérite d’être étudié, ça peut nous apprendre plein de choses. Parce que ça nous permettra aussi d’avoir une idée beaucoup plus précise des violences et des discriminations subies par les personnes trans elles-mêmes, et c’est important, mais il ne faut pas confondre sexe et genre, et il ne faut pas faire disparaître le sexe au profit d’une autre catégorie qui serait l’identité de genre, qui en plus relève d’une croyance, et pas du tout d’une réalité objective. »

Bonjour je m’appelle Jeanne, c’est mon deuxième prénom. Je suis française, j’ai 30 ans. J’habite dans une petite ville du sud-ouest de la France et je suis doctorante en sociologie. C’est très récent que je m’exprime ouvertement sur cette question-là. J’ai toujours eu des idées féministes assez ancrées depuis l’adolescence en fait et quand j’avais […]
Jeanne, rebelle du genre. — Rebelles du Genre
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