
Comme elle lui plaisait cette ville rose. C’était qu’elle avait grandi dans une ville bleue alors une ville rose … Comme elle lui manquait tout de même sa ville bleue – avec ses toits d’or. Le seul lieu qui lui soit intérieur et soit même son intériorité. Pour se décrire, elle l’aurait décrite. Son sol son impatience, son ciel son insouciance. Son ampleur sa langueur, sa violence sa souffrance. Ses rues son adolescence, ses jardins son enfance. Ville mer de mémoire, étincellement d’instants. Oh ville de ses rêves, sa seule réalité, à demi submergée, à demi aérienne. En y marchant, elle s’explorait. Le premier fleuve qu’elle vit, ce fut son fleuve et il devint le fleuve. La première pierre qu’elle vit, ce fut sa pierre et elle devint la pierre. La première église qu’elle vit, ce fut son église et elle devint l’église. Le premier oiseau qu’elle vit, ce fut une mouette et la mouette devint l’oiseau. La première musique qu’elle entendit, ce furent des cloches et les cloches devinrent la musique. La première couleur qu’elle sentit, ce fut le bleu et le bleu devint la couleur. La première pensée qu’elle eut, ce fut de son berceau le ciel à sa fenêtre et le ciel devint la pensée. Plus tard elle apprit là que la chaussée est à la fois errance et envolée, les bancs avec et sans, les portes prochaine fois et autrefois, les fenêtres grillage et nuage, les ponts amour et mort, et les places tourments où tournent tous les temps, tours où mentent les amants. Sa ville, elle l’épela en même temps que sa vie. La langue qui courait dans les rues était son souffle même. Lui manquait-elle vraiment ? Il lui semblait qu’elle ne l’avait pas quittée, qu’elle ne la quitterait jamais. À présent elle n’était qu’un bout de ville bleue logé dans une ville rose. Ses côtes et son âme en étaient la cathédrale de dentelle et marronniers en fleurs, qui s’était détachée, avait glissé dans le fleuve et avait navigué, navigué de fleuve à ciel, de ciel à fleuve, de ville en ville, jusqu’à cette ville-là où une lumière rose tombait sur ses vitraux bleus…
Répondre à Aldor Annuler la réponse.