On a équarri notre lit en radeau pour fuir la rage triste des nuits. Tu as taillé une voile franche dans l’enfance et j’ai noué les cordes rêches et trempées de nos rêves. Le bois grinçait, le froid suintait. On a formé des vœux de marins sans espoir. Tu as promis de ne jamais construire de maison, je me suis engagée à ne jamais porter d’enfant. Libres de famille, nous irons, libres de ville. Personne ne nous aimera que nous. Tu ne crieras plus, je ne pleurerai plus. Juré, craché, dans le fracas des mouettes et des drapeaux. On est partis par la fenêtre ouverte sur le ciel, la lassitude pour houle, la solitude pour boussole. La mer était amère, mais la carte des étoiles t’était aussi claire qu’un phare projetant notre route sur la page de l’univers. On filait à fleur d’eau, la peur sombrait, la souffrance scintillait, oui, scintillait, avec son exactitude d’exister qui est presque une extase. Là-bas, ils rayaient nos noms et retournaient nos visages. Il n’y aura pas de suite à toi et moi. Je resterai ton bout du monde, et toi le mien. On a échoué sur l’île aux flocons, où la lumière pleure éternellement. On y est légers, légers. « Je t’aime » ici peut résonner.
S’ils savaient comme on est heureux entre malheureux.
Réponse imparfaite à l’invitation au voyage de Martine sur Écr’turbulente.
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